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16 juillet 2018

Il retrouve sa mère au Burundi 30 ans plus tard

David-Louis Nitonde avait fui la guerre dans son pays

David-Louis Nitonde

©Sophie Rouillard

La famille Nitonde était excitée à l'idée de partir à l'autre bout du monde pour y découvrir leurs racines burundaises.

TÉMOIGNAGE. Après avoir fui la guerre au Burundi, en Afrique de l'Est, il y a maintenant 30 ans, David-Louis Nitonde est finalement retourné auprès des siens au cours d'un voyage de trois semaines où ses enfants et son épouse l'ont accompagné.

Le Valdorien d'adoption était fébrile, le 28 juin dernier, alors que ce dernier et sa famille attendaient impatiemment de prendre leur vol pour se rendre au Burundi.

Le père de cinq enfants tentait du mieux que possible de se préparer mentalement à retrouver sa mère et sa sœur, qu'il n'a pas revues depuis son départ en 1988.

«Je sais que ça va être un moment très émotif, confiait-il. Il y a trois raisons qui m'ont amené à attendre à aujourd'hui pour retourner là-bas. Tout d'abord, je voulais attendre que ça se calme. C'était trop dangereux d'y retourner au début. Ensuite, lorsque je suis arrivé au Canada en 2000, j'avais trois jeunes enfants, donc ne pouvais pas les emmener au Burundi. Finalement, ma mère m'a dit une phrase qui m'a bouleversée. Elle m'a dit ''Tu viendras me rendre visite lorsque je serai morte''.»

Ces mots ont eu l'effet d'un coup de poing pour M. Nitonde. Sa mère, qui est âgée de 77 ans, ne peut venir au Canada. Si elle ne peut pas venir à lui, c'est donc le fils qui ira à elle.

«Je ne veux pas qu'elle meure sans avoir rencontré sa belle-fille et ses petits-enfants», soulignait celui qui est un Valdorien d'adoption depuis 6 ans.

Grâce à ce voyage, le couple espère pouvoir permettre à leurs enfants non seulement de découvrir leurs origines, mais aussi de comprendre toute la chance qu'ils ont d'avoir la vie qu'ils mènent au Canada.

«Ça va être un choc pour eux, mais c'est important pour ma conjointe et moi qu'ils puissent rencontrer leur famille et d'où ils viennent. Peut-être qu'ils n'y retourneront jamais. Ça les regarde. Pour le moment, nous y allons en famille pour leur faire découvrir notre pays», concluait M. Nitonde.

«C'était la guerre partout, il n'y avait pas vraiment d'endroits sûrs pour nous»

Si la guerre et ses malheurs sont maintenant chose du passé pour David-Louis Nitonde, les horreurs dont il a été témoin et qui lui ont été racontées resteront gravées à jamais dans sa mémoire.

Né en 1966 au Burundi, il est l'aîné d'une famille de quatre enfants. Il a deux sœurs et un frère. À la maison, l'éducation est primordiale et mise sur un piédestal, puisque le père de la famille est enseignant.

En 1972, alors que la guerre ravage le pays, le père de David-Louis est capturé par des militaires, puis assassiné.

«Ils éliminaient ceux qui étaient éduqués, les intellectuels, raconte le Burundais. Un matin, mon père était là et puis le soir, il avait disparu. J'avais 6 ans à l'époque. Je ne comprenais pas pourquoi tous les autres enfants avaient leur père, alors que le mien venait de nous être arraché.»

Les choses ne cessent de s'empirer au Burundi d'année en année alors que sévit la guerre entre les peuples Tutsis et Hutus. Puisque son père a été tué par l'armée, la famille Nitonde est constamment surveillée par les militaires par peur que celle-ci tente de se venger. En 1988, David-Louis décide finalement de fuir le pays. «Ce n'est pas facile fuir. Tu ne sais pas jusqu'où tu seras capable d'aller. Tu peux marcher deux mètres, être capturé et tué, comme tu peux y arriver jusqu'au bout comme moi. C'est un énorme risque à prendre», signale-t-il.

Exil

Pendant 12 ans, David-Louis Nitonde a erré de pays en pays sur le continent Africain. Au fil de ses voyages, il y rencontre celle qui allait devenir sa femme, Godelieve Rukundo. «Nous sommes partis du Burundi pour échapper à la violence, mais c'était la guerre partout. Il n'y avait pas vraiment d'endroits sûrs pour nous.»

Ainsi, en 2000, David-Louis et Godelieve, qui ont accueilli leurs premiers enfants Marie-Fleurette, Marie-Laurette et Louis-Blais, décident de venir s'installer au Canada.

Toutefois, entre-temps, M. Nitonde apprend que son frère cadet a été assassiné et que l'une de ses sœurs est morte d'une maladie.

«Les militaires faisaient entrer les gens dans une salle, fermaient tout, puis ils séparaient les hommes et les femmes, explique-t-il, selon ce que des amis du Burundi lui ont raconté. Ensuite, ils tiraient seulement sur les hommes. Mon frère a été touché, mais ça ne l'a pas tué sur le coup, il a seulement perdu conscience. Il s'est réveillé plus tard et il a tenté d'aller à l'hôpital pour se faire soigner. Malheureusement, quelqu'un l'a vu et il a été achevé en public.»

En repensant à ce qu'il a vu et à ce qu'il a entendu, David-Louis Nitonde ne peut s'empêcher d'être encore plus reconnaissant d'être désormais hors de danger. «J'ai eu de la chance, croit-il. Certaines personnes comme mon père et mon frère n'en ont pas eu, alors je me considère très chanceux de pouvoir être en vie et d'avoir survécu à ça.»

Abitibi

C'est finalement en 2012, en Abitibi-Témiscamingue, que la famille, qui a été agrandie avec l'arrivée de Louis-Brode et Marie-Joyeuse, prendra racine après avoir vécue pendant 12 ans à Québec.

«Ma femme est venue faire un remplacement au campus de Val-d'Or et elle est tombée en amour avec la région alors nous sommes allés la rejoindre», raconte celui qui travaille comme agent de contrôle à l'aéroport de Val-d'Or.

Pardon

Malgré la violence qui a ravagé sa famille et son pays, le Burundais est en paix avec son passé.

«Ça ne me fait que du mal d'avoir de la haine et de la colère, estime-t-il. Si je cherche à me venger, je ne suis pas mieux que ceux qui ont fait tout ça, alors c'est pour ça que j'ai choisi de pardonner et c'est ce que je veux que mes enfants retiennent.»

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