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13 février 2019

Jean-François Vachon - jfvachon@lexismedia.ca

12 mois de prison dans la collectivité pour un enseignant du Cégep

Yvan Laverdière plaide coupable à des accusations de piratage informatique

©Photo gracieuseté

Le mini-ordinateur de type RaspberryPi repéré sur le fil de l’antenne de Vert L’Avenir et dont l’analyse a déclenché tout le processus judiciaire qui a abouti le 13 février.

Yvan Laverdière, enseignant en informatique au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, devra purger une peine de 12 mois d’emprisonnement dans la collectivité pour des infractions liées à du piratage informatique.

Dans la matinée du 13 février au Palais de justice de Rouyn-Noranda, le juge Paul Chevalier a entériné la recommandation commune des deux parties. Laverdière, 43 ans, sera assigné à domicile pour les six prochains mois, tandis que les six mois suivants, il devra respecter un couvre-feu de 22h à 6h. Une fois sa peine purgée, il sera assujetti à une probation de 12 mois. Il devra également exécuter 100 heures de travaux communautaires et fournir un échantillon de son ADN.

Plusieurs arrêts des procédures

Laverdière, qui enseigne l’informatique au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue depuis 2008, a plaidé coupable à quatre des six accusations qui avaient été déposées contre lui, le 20 septembre 2017, soit: méfait à l’égard d’un bien en gênant une personne dans l’emploi légitime de données informatiques; interception frauduleuse d’une fonction d’un ordinateur; possession d’un dispositif conçu pour perpétrer une fraude informatique; et possession frauduleuse de mots de passe d’ordinateur. La Cour a ordonné un arrêt des procédures pour les deux autres chefs.

Le complice et partenaire d'affaires de Laverdière, Jean-Dominic Mathieu, fondateur de l’entreprise de services informatiques Fibr@ir Télécommunications, a quant à lui plaidé coupable au seul chef de méfait, tandis qu’il a obtenu un arrêt des procédures pour les cinq autres.

Fibr@air, qui était aussi accusée dans cette histoire, a été acquittée de la totalité des chefs.

Plus de 1000 pages de preuve

Les faits, qui visaient l’entreprise de services internet sans fil Vert L’Avenir (VLA) et son président, Sylvain Caron, se sont produits entre le 19 novembre 2015 et le 14 septembre 2016, mais plus particulièrement en février et en mars 2016. À cet égard, la procureure de la Couronne, Me Mélanie Gagné, a réussi le tour de force d’exposer une preuve éminemment technique et complexe de plus de 1000 pages.

«En 2012, Yvan Laverdière est embauché par M. Caron pour l’aider à monter son entreprise. Pendant deux ans, il travaillera sans recevoir de rémunération. Il démissionne en 2014. De janvier à mars 2016, VLA est victime de plusieurs pannes. Le 29 mars 2016, à la suite d’une autre panne, Plan B Télécom, un client de VLA, et M. Caron effectuent des manipulations infructueuses sur l’antenne installée sur le toit de la bâtisse. Un technicien coupe le courant électrique de l’antenne, mais M. Caron, qui suit l’opération à distance, constate que l’antenne est toujours sous tension. Le technicien suit alors le fil jusqu’à la boîte électrique. Il découvre que le fil de l’antenne a été sectionné et qu’il est relié à des équipements qui n’appartiennent pas à VLA, dont un mini-ordinateur de type RaspberryPi», a indiqué la procureure.

Comme l’analyse sommaire du RaspberryPi révèle qu’il renferme notamment les plans détaillés du réseau de VLA, Sylvain Caron décide de l’apporter à la police.

«L’analyse policière a constaté que l’appareil, qui était contrôlé à distance, était branché sur un serveur localisé au New Hampshire, en plus d’être camouflé par un faux serveur. Il contenait aussi des logiciels d’exploration et d’exploitation qui ont notamment permis les attaques contre le réseau de VLA, mais aussi d’obtenir les mots de passe d’ordinateur de plus de 500 clients de l’entreprise. M. Laverdière ne s’en est jamais servi, mais il avait en main le potentiel de créer d’importants dommages. C’est comme s’il avait été en possession des clefs de toutes les maisons de ces clients. Le tout a débouché sur une perquisition au domicile de l’accusé, le 21 septembre 2016. L’examen des appareils saisis a démontré un lien évident avec le RaspberryPi», a résumé Me Gagné.

Des apparences de vengeance

L’avocat de la défense des deux accusés, Me Marc Lemay, a fait observer que Sylvain Caron, «qui lui a fait des promesses qui ne se sont jamais concrétisées», devait plus de 50 000 $ à Laverdière. «Ça n’excuse pas les gestes posés par mon client, mais ça donne le contexte toxique dans lequel ils se sont produits», a-t-il fait valoir au juge Chevalier.

Me Lemay a également fait observer que, même si Laverdière avait eu le potentiel de causer des dommages avec les 500 mots de passe en sa possession depuis novembre 2015, il ne l’avait pas fait. «Ni M. Mathieu, ni M. Laverdière, ni Fibr@ir, qui a d’ailleurs été acquittée, n’ont obtenu aucun gain monétaire dans cette histoire», a-t-il ajouté.

Enfin, l’avocat a signalé que, sans un plaidoyer de culpabilité à des accusations sommaires plutôt que criminelles, ce dossier aurait nécessité un procès d’une durée d’un mois, en raison de la complexité de la preuve. «En outre, M. Laverdière est un actif pour la société. Il est considéré comme un mentor par ses étudiants et s’implique beaucoup dans son milieu. Selon les dispositions de sa convention collective, des accusations criminelles auraient contraint son employeur à le congédier», a mentionné Me Marc Lemay.

Absolution conditionnelle pour Mathieu

En ce qui concerne Jean-Dominic Mathieu, pour une question d’ordre moral, la procureure de la Couronne a refusé d’endosser la proposition de Me Lemay, qui demandait une absolution conditionnelle assortie d’une probation de 12 mois et d’un don de 2000 $ à la Maison des jeunes La Soupape de Rouyn-Noranda.

«La seule implication de M. Mathieu dans le dossier a été d’autoriser la coupure du fil de l’antenne et la pose du RaspberryPi, a signalé Me Marc Lemay. Sans absolution, mon client se retrouverait avec un casier judiciaire qui l’empêcherait de développer son entreprise puisque plusieurs clients, notamment au gouvernement, ne pourraient plus faire affaire avec lui.»

Après s’être donné une heure de réflexion, le juge Paul Chevalier a penché en faveur de la défense.

Impacts majeurs sur la victime

Appelé à témoigner, Sylvain Caron a raconté au juge Paul Chevalier comment sa vie est devenue un enfer depuis 2016.

«J’ai fait confiance à des gens éduqués qui, comme moi, croyaient en une vision humaine des services internet dans les régions éloignées. Maintenant, j’ai l’impression de m’être fait flouer depuis le début. J’éprouve depuis des problèmes physiques et psychologiques. J’ai vécu des tensions et des conflits dans mon couple qui se sont soldés par une rupture. J’ai aussi perdu des centaines de milliers de dollars en revenus d’entreprise, tout comme la confiance de bien des gens. Je reçois des messages intimidants. Je crains même pour ma sécurité, au point où j’ai installé des caméras de surveillance chez moi», a-t-il exposé.

Possibles sanctions par le Cégep

Par voie de communiqué, le Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue a déclaré qu’il appliquera pour Yvan Laverdière les modalités prévues à la convention collective en pareil cas et que l’employé sera rencontré dans les plus brefs délais.

«En respect des individus et des règles de gouvernance qui s’appliquent, des mesures pourraient lui être imposées en considérant la gravité des gestes reprochés et les impacts possibles sur ses fonctions», a ajouté le collège, précisant qu’il n’émettrait pas d’autres commentaires en raison de la confidentialité qui s’applique au dossier de l’employé.

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