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20 octobre 2020

Jean-François Vachon - jfvachon@lexismedia.ca

Le choc technologique des écoles

Le système scolaire entre de plein fouet dans le 21e siècle

Éducation

©Depositphotos.com/Lovelymama

Pour les élèves du préscolaire et du 1er cycle du primaire, le CSSRN a opté pour des tablettes. Par contre, à partir de la 3e année, ce sont plutôt des ordinateurs portables.

Pendant des années, l’école a semblé prendre du retard face à l’arrivée de la technologie. La crise sanitaire force le monde de l’éducation à prendre un virage serré pour entrer au 21e siècle.

«On est en train d’amorcer un virage serré avec un semi-remorque de 12 roues sur deux roues. On essaie de garder le contrôle mais, un moment donné, va falloir que les 10 autres roues retouchent le sol. Oui, on apprend dans la situation actuelle et ça va redéfinir des choses dans le monde de l’éducation, mais on est vraiment dans une zone d’inconfort», a souligné le directeur général du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Sylvain Blais.

«J’ai vécu bien des affaires comme gestionnaire, comme des grèves et des compressions budgétaires, mais la crise sanitaire, c’est le top du top», a-t-il ajouté.

Des plans et des formations… au cas où

On est loin de l’époque où les tableaux blancs interactifs allaient permettre de révolutionner l’enseignement. Aujourd’hui, à l’heure où un nouveau confinement semble plausible, les différents établissements d’enseignement de l’Abitibi-Témiscamingue ont dû plancher sur des plans et des formations… au cas où.

«Il fallait aussi que tout le milieu scolaire embarque dans le changement, qu’on offre les différentes formations nécessaires et que les gens y assistent. Pour réussir à tout mettre en place, un plan comme ça, ça peut prendre un, deux ou trois ans. Nos équipes extraordinaires ont réussi à faire cela en peu de temps» - Anne-Frédérique Karsenti

«Le gouvernement a aussi appuyé sur l’accélérateur pour qu’on puisse suivre le rythme en investissant des sommes importantes», a signalé Anne-Frédérique Karsenti, directrice des Services éducatifs du Centre de services scolaire de Rouyn-Noranda (CSSRN).

Avoir les bons outils

Au CSSRN, il fallait aussi offrir aux élèves les outils technologiques nécessaires pour répondre aux besoins éducatifs. Et la différence d’âge chez les élèves était une donnée importante. «Pour les élèves du préscolaire et du premier cycle du primaire, on a opté pour des tablettes parce que c’est plus facile d’utilisation, plus visuel et plus instinctif. À partir de la troisième année, on s’est tourné vers des ordinateurs portables», a expliqué Mme Karsenti. Une pénurie mondiale de processeurs retarde cependant la livraison de tout le matériel technologique commandé.

Pour répondre aux pépins techniques qui pourraient survenir, quelques pistes de solution sont en préparation ou prêtes. «On prépare aussi des capsules pour que les parents puissent dépanner si jamais il y avait un problème avec un outil. On a aussi mis en place une ligne de soutien technique qui sera en mesure de répondre de jour et de soir», a souligné Anne-Frédérique Karsenti.

D’ici là, la formation se poursuit, autant chez les enseignants que chez les élèves. «On continue de les former pour qu’ils puissent avoir une bonne expériences», a indiqué Mme Karsenti.

Choisir la plateforme

Si, du côté du primaire et du secondaire, on a opté pour la même plateforme, tous niveaux confondus, au niveau postsecondaire, ce fut une décision différente, alors que les plateformes utilisées varient énormément.

Claude Boucher, conseillère pédagogique à l’UQAT, explique cependant que cette décision a été prise pour faciliter la transition.

«On a décidé d’offrir aux professeurs de choisir celle qu’ils voulaient en fonction de leurs besoins. Certains ont opté, par exemple, pour Zoom parce qu’ils l’avaient déjà utilisée pour des réunions et qu’ils étaient plus à l’aise avec ce logiciel. C’était mieux que d’imposer une seule plateforme et de forcer les gens à l’apprendre», a-t-elle souligné.

Une crise qui aura du positif?

Ce virage technologique du monde de l’éducation, même s’il est pris à une vitesse grand V, laissera cependant des traces. «Il y a des avantages à utiliser les outils technologiques. Ça permet de déposer les travaux et d’avoir un endroit commun pour le faire. La récupération à distance est aussi un point intéressant. La rétroaction peut être très rapide grâce aux questionnaires programmés. On peut enregistrer les cours pour les élèves absents. Il y a du positif qu’on voit, mais ça n’enlèvera jamais l’avantage du contact humain», a évoqué Anne-Frédérique Karsenti.

De son côté, Sylvain Blais voit des avantages à la technologie pour encore mieux adapter les établissements aux jeunes d’aujourd’hui. «Avant, les cours de 8h à 10h le vendredi matin, ce n’était pas vraiment une bonne plage horaire. Aujourd’hui, les cours après 16h ne le sont plus. Pour un jeune, un cours à 8h le matin va être le meilleur bloc parce qu’il travaille le soir. Pour un autre, ce ne le sera pas. Les jeunes ne sont même plus compatibles entre eux pour les horaires, ce qui n’était pas le cas il y a 10 ans», a-t-il évoqué.

Pour Claude Boucher, cette crise aura permis de démontrer le côté humain de l’enseignement. «Tout le monde vivait avec une inquiétude et des préoccupations. On a senti la volonté, chez notre personnel enseignant, d’offrir un enseignement de qualité. Je me sens privilégiée de les accompagner», a-t-elle soutenu.

«Le constat qu’on fait, c’est que ce fut une belle opportunité pour les professeurs de revoir leurs façons de faire et de jeter un nouveau regard sur celles-ci. Ce que je trouve intéressant, c’est qu’on a été en mesure de s’adapter et de considérer les choses autrement. Je pense que ç’a permis d’accélérer notre réflexion sur la place des technologies et de voir l’enseignement différemment» - Claude Boucher

Avoir accès à Internet, incontournable pour s’instruire?

Bien que l’école soit en train d’effectuer un virage technologique des plus importants, en Abitibi-Témiscamingue, les données le démontrent: accéder à une connexion internet haute vitesse, c’est encore un privilège. En ce sens, les établissements scolaires de la région ont dû rivaliser d’ingéniosité.

Au Centre de services scolaire de Rouyn-Noranda (CSSRN), ce défi a été une des pierres angulaires du plan face aux défis de la pandémie de COVID-19. Trois cas de figures ont donc été analysés par le CSSRN.

«Un, les élèves ont accès à Internet. Deux, ils pourraient avoir accès à Internet, mais n’en ont pas. Dans ce cas, on leur prête une clé LTE. Trois, s’ils n’ont pas accès à Internet et ne peuvent pas y avoir accès, on fait un suivi plus individualisé qui implique des appels téléphoniques. On peut enregistrer le cours et le déposer sur une clé USB pour que l’élève puisse y assister le lendemain. On va aussi lui porter à la maison une enveloppe avec les travaux à faire», a expliqué Anne-Frédérique Karsenti, directrice des services éducatifs.

Le CSSRN a également réalisé un sondage pour savoir quels élèves répondaient à ces différents critères afin de pouvoir s’ajuster en conséquence. Le plan du CSSRN est cependant allé plus loin.

«On a aussi conçu un horaire si, du jour au lendemain, on devait confiner toutes les écoles. Ça permettra aux parents qui sont en télétravail de savoir quand ils ont besoin d’être plus disponibles, étant donné que les plus jeunes auront peut-être besoin de plus de surveillance que les plus vieux. On a tenu compte du fait qu’il pourrait n’y avoir qu’un ordinateur par maison et qu’il faudra éviter de surcharger le réseau domestique», a fait savoir Mme Karsenti

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©Depositphotos.com/Doble.Dphoto

Selon Sylvain Blais, les conditions d’études à la maison ne sont pas nécessairement faites pour faciliter la réussite, notamment avec la multiplication des sources de distraction.

Des conditions d’étude

Même le Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, dont plusieurs cours sont offerts à distance depuis des années, fait face au défi de la connexion internet. Des classes ont donc été aménagées pour permettre aux étudiants qui n’en ont pas de pouvoir amener leur ordinateur portable et suivre leurs cours

Le directeur général de l’établissement, Sylvain Blais, est également préoccupé par les installations physiques à la disposition des étudiants.

«Elles ne sont pas nécessairement faites pour faciliter la réussite. Un étudiant peut travailler dans le salon chez ses parents pendant que sa mère, une coiffeuse, reçoit des clients et que son père, qui travaille de nuit, est couché. Ce ne sont pas tellement les conditions gagnantes pour réussir, mais c’est la réalité du terrain»

L’enjeu de la persévérance: le grand défi de l’enseignement à distance

Le directeur général du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Sylvain Blais, a pleinement confiance en son personnel enseignant pour mener les étudiants à la réussite. Ce qui l’inquiète, c’est de ne pas voir les élèves persévérer dans le contexte actuel.

«La situation est complexe, a-t-il reconnu. Si un cours est annulé parce que, par exemple, le prof tentait de partager son écran et que ça ne fonctionnait pas, un moment donné, l’étudiant peut se tanner. On doit donc mettre les moyens en place pour aider nos étudiants à persévérer», a-t-il ajouté.

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©Depositphotos.com/MariaKay

Passer une journée devant un ordinateur n’est pas simple pour de nombreux élèves, reconnaissent les instances régionales en éducation.

Anne-Frédérique Karsenti, directrice des services éducatifs au Centre de services scolaire de Rouyn-Noranda, en convient, le contexte actuel n’est pas évident. «J’ai discuté avec une des enseignantes du groupe confiné [à l’école secondaire D’Iberville] qui m’expliquait que ça avait bien été. Par contre, passer une journée devant un ordinateur n’est pas simple pour les élèves. La concentration peut être plus difficile. C’est pourquoi c’est important de varier le cours», a-t-elle fait valoir.

«Même notre personnel qui s’occupe des étudiants doit revoir ses manières de faire pour avoir une vie étudiante active. On veut éviter le plus de cours en classe afin de ne pas devenir l’instigateur d’une éclosion de COVID-19. On essaie d’assurer un support psychosocial, d’être présents auprès de nos étudiants, mais c’est un défi constant. Nos équipes travaillent d’arrache-pied, mais tout est en changement», a ajouté Sylvain Blais.

De devant une classe à devant un ordinateur: le défi des enseignants face aux nouvelles réalités

Pour les enseignants, le passage d’un enseignement en face des étudiants à un enseignement derrière un écran d’ordinateur n’est pas nécessairement la transition la plus facile à faire.

Avec un nouveau confinement possible, les enseignants devront s’improviser Youtubeurs ou presque, alors qu’ils devront devenir des diffuseurs de contenus dans un certain sens. Cela amène la nécessité d’utiliser la technologie d’une autre façon.

«Les enseignants ne sont pas tous au même niveau. Pour certains, c’est une première expérience. On a effectué beaucoup de formations, et plusieurs membres du personnel ont vu cette nécessité. Et on le fait aussi avec les élèves pour qu’ils soient aussi autonomes que possible avec les outils», a fait valoir Anne-Frédérique Karsenti, directrice des Services éducatifs du Centre de services scolaire de Rouyn-Noranda (CSSRN).

«Pour certains, faire la transition sera facile. Pour d’autres, on a des conseillers pédagogiques qui sont disponibles et qui travailleront avec les enseignants. Ils ne seront pas seuls là-dedans», a-t-elle ajouté.

Au Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, le directeur général, Sylvain Blais, est clair: c’est un bouleversement pour tout le monde. «Les étudiants sont assis chez eux et ils travaillent à distance. Ce ne sont pas nécessairement les meilleures conditions de succès», a-t-il fait valoir.

Le défi est tout aussi grand chez les enseignants, selon lui.

«Faire un Skype avec nos grands-mères, c’est une chose. Si quelque chose ne marche pas, ce n’est pas tant grave. Mais avec 24 étudiants, si ça ne marche pas, tu ne peux pas te retourner et écrire au tableau. C’est beaucoup d’anxiété, autant pour les profs que les étudiants» - Sylvain Blais

Un défi, même pour l’UQAT

Ce défi de formation est présent du primaire jusqu’aux études supérieures. «Nous avons des cours qui, depuis longtemps, ont été pensés en fonction qu’ils seraient enregistrés ou enseignés à distance. Le défi, c’était tous les cours qui étaient donnés en classe. Que ce soit les examens ou les travaux, plein de modalités ont dû être revues ou repensées pour un contexte qui n’était pas prévu», a évoqué Claude Boucher, conseillère pédagogique à l’UQAT.

«Il y a beaucoup de variété dans les cours. Certains ont des aspects pratiques importants. D’autres misent sur le travail d’équipe, des études de cas. Comment on arrive à faire ça en ligne? Il fallait y réfléchir. En plus de cela, les professeurs devaient penser à la motivation des étudiants tout en offrant un enseignement dynamique», a-t-elle ajouté.

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©Hugo Lacroix/Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue

«Certains cours ont des aspects pratiques importants. D’autres misent sur le travail d’équipe, des études de cas. Comment on arrive à faire ça en ligne?», a lancé Claude Boucher, de l’UQAT.

Pour répondre à ce besoin, l’équipe du service de pédagogie universitaire a répondu présent. «Notre rôle, comme conseiller pédagogique, c’est de prendre chaque professeur ou chargé de cours et d’analyser avec eux les considérations pédagogiques. On leur proposait différentes alternatives en fonction de ce qu’ils avaient besoin», a-t-elle soutenu.

«Notre personnel enseignant avait besoin d’être sécurisé. Autant pour les étudiants que les professeurs et les chargés de cours, il y avait une peur de l’inconnu», a-t-elle ajouté.

Un des petits avantages de l’UQAT fut la présence importante des technologies au cours des dernières années. «À l’UQAT, ça fait un moment qu’on offre différentes formations avec les technologies de l’information et des communications, notamment des dîners-causeries. Les professeurs en avaient entendu parler, avaient de l’intérêt ou avaient osé en faire. Les termes leur parlaient. La marche était peut-être un peu moins haute», a supposé Claude Boucher.

Un changement majeur

Comme Mme Boucher le mentionne, on ne peut pas enseigner de la même façon en classe et en ligne. «Nos enseignants ne peuvent pas donner un cours de quatre heures en ligne; ça ne se fait juste pas», a lancé le directeur général du Cégep de l’Abitibi-Témiscamingue, Sylvain Blais.

Ce changement en amène un autre, celui-là dans les méthodes pédagogiques, qui peuvent surprendre un peu. «J’écoutais un de mes enseignants à la radio qui expliquait qu’il tournait des capsules et donnait des lectures préalables pour ensuite aider les élèves à faire divers travaux durant la classe. La classe est inversée», a lancé M. Blais.

«Dans la situation actuelle, le prof est là-dedans, il bricole, il fait de son mieux. Comment on fait pour l’aider, le soutenir et l’accompagner? Est-ce qu’on devrait l’aider avec ses capsules? Possible. Mais tout va tellement vite avec la crise», a-t-il évoqué.

«Et on est chanceux parce que, comme établissement, on a mis en place la vidéoconférence en 2001. On avait commencé à l’intégrer un peu plus. Il y a des cégeps, à Montréal, qui ne sont même pas rendus là», a-t-il ajouté.

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