Madame Carey, la femme qui a ouvert un cinéma avant la construction d’une église catholique à Rouyn-Noranda

En route vers le 100^e anniversaire de la ville de Rouyn-Noranda l’an prochain, je profite de l’occasion pour vous faire découvrir ou redécouvrir des photos conservées par Bibliothèque et Archives nationales du Québec à Rouyn-Noranda et l’histoire qui les accompagne.

En 1925, Christine Anna Marie Madaline De Courcy Cloirec, mieux connue sous le nom de Madame Carey, quitte Ottawa pour s’installer à Rouyn avec une idée en tête : ouvrir une salle de cinéma. Au grand bonheur des aventuriers qui squattent le camp minier. Selon le curé Albert Pelletier (1), Madame Carey veut tellement être la première à avoir un cinéma à Rouynville que la construction de l’édifice s’amorce durant l’hiver 1925, sans que les souches soient coupées au ras du sol. Quelle ne fut pas sa surprise lorsqu’au dégel, le plancher de la salle, qui pouvait contenir jusqu’à 325 spectateurs, se mit à ressembler à des montagnes russes parce que le sol avait travaillé. C’est ainsi que naquit le Théâtre Régal situé au 406, rue Perreault (2).

Mais attendez un instant… D’où vient la photo du premier Théâtre Régal si Madame Carey s’est empressée de construire le bâtiment qu’on voit sur la photo de Vavasour & Dick pour être la première à avoir une salle de cinéma à Rouyn? N’avait-elle pas déjà un cinéma? Est-ce que le curé Pelletier se mélange dans ses histoires? Où était située la première version du Théâtre Régal? Toutes ces questions se sont soulevées dans ma tête la journée où j’ai découvert cette photo issue du fonds d’archives du Comité du 50^e anniversaire de Rouyn-Noranda. Si vous avez des informations qui pourraient m’aider à comprendre la chronologie du célèbre cinéma qui deviendra le Théâtre Rouyn, le Théâtre Lido, le Cinéma Odéon, la Disco Rouge et le Parachute Pub, je vous invite à venir me voir aux Archives nationales à Rouyn-Noranda.

Revenons-en à l’héroïne de cet article, Christine Cloirec, ou Madame Carey. Lors de son arrivée, elle est accompagnée par deux de ses filles, Gladys et Julie, et le photographe Hubert Vavasour. Son mari, Harold Stafford Carey, vient les rejoindre deux ans plus tard, en 1927. C’est donc dire qu’elle constitue d’elle-même son entreprise, sans l’aide de son mari qui demeure à Ottawa pour diriger sa troupe de théâtre. Une situation hors du commun pour l’époque.

Madame Carey a à cœur sa communauté. En plus de diffuser des films, pour un coût d’entrée de 0,75 $, et d’accueillir des troupes de théâtre venant d’aussi loin que New York, son théâtre sert de salle de réunion pour la communauté protestante, le conseil de ville et la commission scolaire. L’utilisation la plus marquante est toutefois celle du curé Pelletier qui dit la messe dans le cinéma quand il fait trop froid dans sa tente-chapelle. Généreuse comme elle était, Madame Carey refusait toute compensation financière de ses invités, même si son cinéma ne roulait pas sur l’or.

Christine Cloirec passera le reste de sa vie à Rouyn. Les documents que j’ai consultés ne mentionnent pas pendant combien de temps elle a été à la barre du cinéma, mais dans le bottin téléphonique de 1935, elle est décrite comme étant gouvernante et le Régal porte désormais le nom de Théâtre Rouyn. Est-ce que le décès de son mari en 1931 aurait été un point tournant dans sa carrière? Qui sait?

En fin de vie, elle réside chez son amie Agnès Dumulon avant de s’éteindre le 12 avril 1942, à l’âge de 77 ans. Ce qui explique qu’elle soit enterrée sur le même terrain que la famille Dumulon au cimetière Saint-Michel de Rouyn-Noranda.

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(1) Annette Lacasse-Gauthier et Albert Pelletier, J’ai vu naître et grandir ces jumelles, Imprimerie Lebonfon, Rouyn, 1967.

(2) Les numéros changent lorsque la ville sépare la rue Perreault en deux sections, l’est et l’ouest. L’adresse actuelle serait le 27, rue Perreault, si l’édifice n’avait pas été la proie des flammes en 1990. Aujourd’hui, c’est le terrain vacant à gauche du restaurant Le Saint-Exupéry.